Du 15 au 21 novembre, dans le cadre de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, la Ligue Braille lance sa nouvelle campagne de sensibilisation. Car le constat est là : les discriminations et le manque d’aménagements raisonnables restent encore bien trop souvent des obstacles à l’emploi des personnes avec un handicap. Il est donc grand temps d’agir !
Spot radio
La nouvelle campagne se déroule du 15 au 21 novembre sur les radios francophones et les réseaux sociaux. Dans son spot, la Ligue Braille a opté pour la technologie du son 3D. Les personnes aveugles et malvoyantes perçoivent le monde différemment, d'où le choix de cette nouvelle technologie qui offre à l'auditeur une expérience immersive complète. Pour une expérience optimale : écoutez le spot radio avec des écouteurs et vous serez surpris.
Enquête d’Unia
Selon une enquête d’Unia (2020) le droit au travail se trouverait enfreint à plus d’un titre. Les aménagements raisonnables font souvent défaut, et l’inaccessibilité des transports, des bâtiments et des logiciels empêche l’accès au travail. De plus, il subsiste encore des discriminations sur le marché de l’emploi : moins de chances d’être engagé en raison du handicap, harcèlement… Sans compter qu’en pratique, le récent ancrage du droit à l’inclusion et aux aménagements raisonnables dans la Constitution ressemble bien plus souvent à une faveur qu’à un droit.
Les personnes aveugles et malvoyantes sont une vraie plus-value pour votre entreprise. Et votre entreprise, une vraie plus-value pour leur indépendance. Leur inclusion dans le circuit socio-économique passe non seulement par beaucoup de soutien et de persévérance de leur part, mais aussi par un accompagnement adapté à leurs besoins, par la sensibilisation des employeurs et par la prise de conscience du grand public quant à cette problématique.
Le parcours d’Eugénie
Nous avons rencontré Eugénie (37 ans) chez son employeur. Elle travaille à Bruxelles en tant qu’ergothérapeute pour Alzheimer Belgique.
Nos bénéficiaires
Le parcours de plusieurs de nos membres prouve qu’il est possible de trouver un emploi et de s’épanouir lorsqu’on est aveugle et malvoyant.
Valérie Volckaert (43) travaille comme réceptionniste dans un cabinet de notaires de l’avenue Louise : « Tout s’est toujours très bien passé avec mes collègues et mes responsables. Mais dans mon parcours, je me suis rendue compte qu’au moment de l’engagement, à compétences égales, le choix est vite fait et il ne penche pas en faveur des personnes déficientes visuelles. J’ai décroché mon emploi actuel suite à un stage de trois mois lié à une formation suivie au Centre de formation professionnelle de la Ligue Braille. J’ai envoyé une cinquantaine de CV et je n’ai reçu que deux ou trois réactions. Le cabinet cherchait d’urgence un remplacement dans le cadre d’un congé de maternité. Au final, ils étaient tellement contents de mon travail qu’ils m’ont engagée. »
Son conseil aux autres : « De ne surtout pas baisser les bras en cas de réponse négative, de démontrer sa motivation et ses capacités encore et encore. Il y aura toujours bien une personne qui vous ouvrira ses portes. Il faut y croire et rester positif sans oublier de donner le meilleur de soi-même. »
Els (46 ans) travaille pour le gouvernement flamand au ministère du Travail et de l’Économie sociale : « L’enseignement supérieur n’a pas encore l’habitude des étudiants avec un handicap. Il y a encore beaucoup de préjugés à notre égard en matière de travail, et beaucoup d’ignorance aussi. Tenez le cap et n’abandonnez pas ; restez assertifs. Un jour, une opportunité se présentera ! Lorsque j’ai commencé à travailler dans mon département en 2007, c’était un peu le rêve : mes collègues étaient charmants, l’accueil impeccable, on m’a assigné un parrain et, avec l’aide de la Ligue Braille, j’ai organisé une session de sensibilisation qui m’a énormément aidé à sympathiser avec mes collègues. 15 année ont passé et j’aime toujours autant y travailler. Lorsque ma vision s’est à nouveau détériorée en 2017, nous avons cherché ensemble des tâches qui correspondent vraiment à mes talents mais qui sont également réalisables avec ma déficience visuelle. J’en suis très reconnaissante. »
Alexandre (31 ans), avocat depuis quatre ans dans le cabinet d’avocats SOTRA : « J’espère vraiment pouvoir rester au sein de ce cabinet pour pouvoir continuer le métier que j’aime exercer, parce que c’est vraiment une expérience extraordinaire […] en aucun cas je ne voudrais travailler dans un autre cabinet d’avocats. Ici on m’a donné cette chance et de mon côté j’ai besoin de travailler avec des gens que j’estime et que je respecte, ce qui est le cas. Dans 5 ans, j’ai envie qu’on se dise : voilà, tous les efforts qu’on a fait, cela valait la peine ! ».
Découvrez le témoignage d’Alexandre.
Geert (48 ans) travaille dans l’IT pour deux hautes écoles : « Se présenter avec un handicap visuel n’est certainement pas un avantage mais ne doit pas non plus constituer un inconvénient. Le marché du travail est plus inclusif qu’avant. Il n’est jamais trop tard pour chercher à se reconvertir lorsque l’on ne peut plus exercer son emploi en raison d’un handicap. Je conseille de ne pas hésiter à se faire conseiller par des services spécialisés. Ils existent et font un excellent travail nécessaire, car les employeurs ne connaissent pas toujours le handicap visuel et craignent une perte de rendement. Ces services peuvent aider à les convaincre.
Au tout début de ma vie d’adulte, il m’a été difficile d’accepter mon handicap progressif, car ma vision se détériorait constamment, ce qui m’a mené à la cécité. Aujourd’hui, je travaille depuis près de 20 ans dans un secteur très innovant où l’éducation et la technologie occupent une place centrale. Ce domaine m’intéressait déjà étant petit et mon job est pour moi comme un hobby. De plus, j’ai des collègues fantastiques et je suis donc vraiment satisfait de mon travail. »
Obstacles à l’emploi : que fait la Ligue Braille ?
Depuis sa création, la Ligue Braille a toujours privilégié l’emploi comme moyen d’intégration pour les personnes aveugles ou malvoyantes. Mais le chemin vers l’embauche est semé d’embuches ! Dans l’enquête menée en 2018 par la Ligue Braille auprès de ses membres âgés de 17 à 55 ans, plusieurs obstacles à l’emploi étaient identifiés.
Les trois obstacles les plus fréquemment cités sont : la mobilité, les préjugés et un cadre de travail inadapté. Pour les franchir, la Ligue Braille propose un accompagnement sur mesure.
- Mobilité
Les difficultés sont légion : trottoirs encombrés, travaux mal signalés, itinéraires compliqués en transports publics… Pour les aplanir, la Ligue Braille propose des cours de locomotion avec la reconnaissance du trajet domicile-travail et les déplacements au sein des locaux de l’entreprise, selon les besoins.
- Préjugés
La méconnaissance du handicap nourrit la frilosité tant de l’employeur que des collègues de travail. Selon les chiffres d’Unia (anciennement Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme), 47 % des Belges pensent qu’un handicap aura une influence négative sur le recrutement d’un candidat. Pourtant, 81 % sont favorables à la mise en place de mesures spécifiques en faveur des personnes handicapées dans le domaine professionnel.
Pour démystifier la déficience visuelle, la Ligue Braille organise des séances de sensibilisation sur le lieu de travail. La personne aveugle ou malvoyante peut y apporter son témoignage, afin d’enclencher le dialogue indispensable pour dissiper les craintes et dégager des solutions.
- Environnement de travail
L’adaptation du lieu de travail concerne non seulement les infrastructures, mais aussi la disposition du bureau, la luminosité, les outils de travail… Les conseillers de la Ligue Braille analysent la situation et proposent des aménagements, éventuellement sous forme d’adaptations techniques. Pour tirer le meilleur parti de celles-ci, des formations continuées sont organisées par le Centre de formation professionnelle.
De nombreuses professions peuvent être exercées par les personnes déficientes visuelles. La Ligue Braille offre son expertise pour les accompagner dans le monde de l’entreprise et leur permettre d’exprimer pleinement leurs compétences.
L’emploi commence au CFP
Le Centre de formation professionnelle (CFP) de la Ligue Braille accueille deux fois par an de nouveaux stagiaires qui veulent travailler, gagner leur vie.
Pour atteindre cet objectif, ils ont franchi le pas de s’inscrire à l’une des formations professionnelles adaptées à la déficience visuelle dispensées par la Ligue Braille. Il en existe de différents types : des formations de base dans différents domaines, de préparation aux métiers administratifs, qualifiante dans le domaine administratif, pour chercheurs d’emploi ou travailleurs. Ces formations les préparent à remplir efficacement leurs futures fonctions et à se servir du matériel adapté au handicap visuel (vidéo- loupes, barrettes braille, synthèses vocales…). De plus, l’association est toujours prête à fournir gratuitement son expertise à ses futurs diplômés ainsi qu’aux employeurs qui les engageront (conseils pour les entretiens d’embauche, les démarches administratives et les aides financières ; adaptation du poste de travail ; cours de locomotion ; sensibilisation...).
Christelle Magniette est responsable des Services emploi et formation de la Ligue Braille. Elle nous en dit plus sur les services proposés par l’association, et plus particulièrement sur l’importance d’un accompagnement adapté.
Quelles sont les principales tâches des Services emploi et formation de la Ligue Braille ?
Les Services emploi et formation de la Ligue Braille accompagnent les personnes aveugles et malvoyantes tout au long de leur vie professionnelle, c’est-à-dire depuis le moment du choix de l’orientation, jusqu’à la retraite, en passant par les études, la recherche d’un emploi, le maintien à l’emploi, la carrière et la reprise éventuelle de formation(s). Les tâches sont diverses puisqu’elles s’adaptent aux besoins des personnes que nous accompagnons. Soutenir nos bénéficiaires, les aider à atteindre leurs objectifs en matière de formation ou d’emploi, conseiller les intervenants (enseignants, employeurs), sensibiliser, sont les principales missions de nos services.
Quelle est la valeur ajoutée de vos services pour une personne handicapée visuelle qui rencontre des difficultés sur le marché du travail ?
Définir un projet professionnel compatible au handicap visuel, régler les questions relatives à la mobilité, surmonter les préjugés des employeurs, oser parler de son handicap à son conseiller emploi, voilà autant de difficultés que doit surmonter la personne aveugle ou malvoyante qui, souvent, n’ose pas faire le pas et signaler son handicap quand il n’est pas détectable, vu de l’extérieur.
Nos conseillers en insertion professionnelle étant sensibilisés et formés à la déficience visuelle, celle-ci est prise en compte et mise à sa juste place. À la Ligue Braille, le chercheur d’emploi sait que ses difficultés spécifiques sont connues. Il pourra discuter plus librement de ses attentes professionnelles sans craindre une stigmatisation.
Quels préjugés ou discriminations vous sont le plus souvent rapportés ?
Une personne malvoyante relatera davantage des comportements de non reconnaissance du handicap tandis que dans le cas d’une personne en cécité totale, il s’agira encore trop souvent d’une non reconnaissance des compétences. Que ce soit la jalousie des collègues pour une lampe de bureau vue comme un privilège ou la réticence de l’employeur à confier des tâches intéressantes, c’est la méconnaissance de la déficience visuelle qui conduit à ce type de réactions.
En quoi le Centre de formation professionnelle (CFP) de la Ligue Braille diffère-t-il des autres centres de formation ?
Tout d’abord, notre centre de formation dispose du matériel adapté indispensable à l’apprentissage et nos formateurs s’adaptent aux besoins spécifiques de chaque stagiaire. Il s’agit d’une petite structure dans laquelle le stagiaire peut évoluer à son rythme dans une ambiance familiale et bienveillante. Nous accueillons également les travailleurs qui pourront acquérir les outils indispensables pour booster leurs compétences.
Dans quelle mesure les services proposés par la Ligue Braille sont-ils nécessaires selon vous?
Nos services collaborent étroitement entre eux avec l’objectif commun de favoriser l’autonomie. Par exemple, il est fréquent que nous fassions appel au Service accompagnement pour permettre à nos bénéficiaires d’acquérir l’indépendance indispensable dans leurs déplacements professionnels.
Pouvez-vous décrire le type de question ou de problème que vos services rencontrent le plus souvent ?
Une des grandes difficultés fréquemment rencontrées est l’incompatibilité entre certains programmes informatiques internes aux entreprises et les logiciels spécifiques à la déficience visuelle. D’un point de vue humain, le challenge est de faire tomber les préjugés et les croyances limitantes.
Qu’avez-vous envie de dire aux employeurs qui se trouvent face à un travailleur ou à un candidat aveugle ou malvoyant ?
Que les services de la Ligue Braille sont disponibles pour les conseiller et mettre en place des solutions sur mesure, grâce à une approche multidisciplinaire et à de nombreuses années d’expérience.
Et puis, employer une personne handicapée peut être une véritable valeur ajoutée pour l’entreprise. C’est une magnifique aventure humaine qui se profile.
Quels postes décrochent vos anciens stagiaires ? Quels sont les débouchés ?
Le CFP propose actuellement deux formations qualifiantes dans le domaine administratif : agent d’accueil et employé administratif. Notre service d’insertion professionnelle accompagne quant à lui les chercheurs d’emploi et les travailleurs dans tous les secteurs d’activités.
Quel est le pourcentage des personnes qui trouvent un emploi après avoir été soutenues par la Ligue Braille ?
J’aimerais pouvoir répondre qu’il est de 100 % mais la réalité est moins rose. Les personnes qui s’adressent en général à notre service d’insertion professionnelle le font souvent après plusieurs échecs ou expériences professionnelles difficiles. Notre travail consiste à les aider à mettre toutes les chances de leur côté pour trouver un emploi ou le conserver. Et heureusement, certains finissent par décrocher un job et ainsi gagner en autonomie. Comme le dit si bien l’un des témoins de notre campagne, il ne faut « surtout pas baisser les bras en cas de réponse négative ». Il suffit d’une seule porte qui s’ouvre.