De plus en plus d'enfants myopes
La myopie progresse rapidement dans le monde entier. Selon le Belgian Myopia Group, près de la moitié des jeunes sont déjà ou deviendront myopes. Un trouble de plus en plus fréquent, précoce et sévère.
L’ophtalmologue pédiatrique Patricia Delbeke (photo) nous en explique les causes, les conséquences et les traitements.
Qu’est-ce que la myopie ?
La myopie est un défaut de réfraction de l’œil qui se produit pendant l’enfance. Un œil myope grandit trop vite et sa croissance se poursuit plus longtemps. En cas de myopie, l’œil ne focalise pas ou ne réfracte pas adéquatement la lumière pour permettre de voir clairement les images, provoquant une vision trouble. Ce problème peut être résolu en portant des lunettes ou des lentilles à dioptrie négative. Plus l’œil est long, plus la myopie est élevée et plus le verre de lunettes doit être puissant.
Pourquoi y a-t-il de plus en plus d’enfants myopes ?
Les causes sont complexes et tous les aspects ne sont pas encore connus. L’origine ethnique joue un rôle. Les enfants d’origine asiatique ont un risque plus élevé de développer une myopie ou une forte myopie. L’hérédité intervient également. Si l’un des parents ou les deux sont myopes, leurs enfants ont beaucoup plus de risques de le devenir aussi. Enfin, le mode de vie joue un rôle. Une faible exposition à la lumière extérieure et l’augmentation de certaines activités comme l’utilisation d’écrans pendant de longues périodes, sans pause et à une distance inférieure à 30 cm, sont associées à l’épidémie de myopie. L’Organisation Mondiale de la Santé déconseille les écrans aux enfants de moins de 2 ans.
Quelles sont les conséquences d’une myopie forte ?
En soi, la myopie peut être corrigée par des lunettes ou des lentilles. Mais c’est surtout dans le cas d’une myopie forte (une dioptrie supérieure à -6), que le risque d’une mauvaise vision ou d’une cécité plus tard augmente. En effet, la myopie accroît le risque d’anomalies rétiniennes, comme le décollement de la rétine, la dégénérescence maculaire, ainsi que la cataracte ou l’augmentation de la pression oculaire. C’est pourquoi nous essayons de ralentir la progression de la myopie chez l’enfant.
Comment éviter une généralisation de la myopie ?
L’effet négatif d’une vision prolongée à une distance trop proche sur le développement de la myopie est de plus en plus évident. Il est donc très important que les enfants maintiennent une distance suffisante lorsqu’ils regardent un smartphone, une tablette ou un livre. Cette distance devrait idéalement être d’au moins 30 centimètres. Au niveau international, on utilise la règle du 20-20-2 : après 20 minutes de vision rapprochée, il faut regarder au loin pendant au moins 20 secondes et, en outre, être au moins 2 heures par jour à l’extérieur, à la lumière du jour, pour jouer, se promener ou faire du sport. Les crèches jouent un rôle crucial dans ce domaine en faisant jouer ou manger les enfants aussi souvent que possible à l’extérieur. Malheureusement, nous constatons que les enfants ont un mode de vie de plus en plus sédentaire, qu’ils utilisent beaucoup d’écrans et qu’ils ne profitent pas assez de la lumière du jour. La règle du 20-20-2 reste essentielle pour ralentir l’épidémie de myopie.
Comment traiter la myopie ?
Comme je l’ai dit plus haut, on donne aux enfants myopes des lunettes ou parfois des lentilles de contact avec une dioptrie négative. Les lunettes doivent être correctement ajustées et il est préférable de les porter en permanence. En effet, une sous ou une sur-correction des lunettes peut contribuer à une progression plus rapide de la maladie. Il est donc préférable que les enfants myopes soient suivis par un ophtalmologue. Tous les 6 mois, idéalement, pour une myopie progressive. La longueur de l’axe de l’œil y est mesurée et suivie sur une courbe de croissance. Si la progression ou la longueur de l ’œil dépasse une certaine valeur, un traitement peut être mis en place. Le seul traitement pour lequel on connaît actuellement des effets positifs suffisants à long terme sont les gouttes oculaires d’atropine à faible dose. Ces collyres sont utilisés une fois par jour, à une dose déterminée par le médecin traitant. Cette dose est de 0,01 ou 0,02 ou 0,05 pour 100. Elle est recommandée chez les enfants souffrant de myopie progressive dès l’âge de 5 ans. Cette dose présente un risque minimal d’effets secondaires et permet de réduire d’environ 50 % la progression de la myopie. Les gouttes d’atropine ne sont pas nouvelles. Les ophtalmologistes les utilisent depuis des années pour ouvrir la pupille afin de voir l’intérieur de l’œil. Les gouttes d’atropine détendent également le cristallin, pour une mesure parfaite de la puissance des lunettes. Pour ces deux dernières applications, on utilise une concentration beaucoup plus élevée de gouttes d’atropine.
2 autres types de traitement font actuellement l’objet de recherches. Il s’agit de lunettes spéciales, basées sur de nouvelles technologies qui permettent une réduction du contraste périphérique ou une défocalisation périphérique. Ces lunettes peuvent avoir un effet inhibiteur sur la croissance de l’œil. Les premiers résultats de ces recherches sont prometteurs, mais les preuves sont encore insuffisantes pour recommander systématiquement ces lunettes aux enfants myopes. Il existe également des lentilles de nuit (lentilles OrthoK), mais elles ne sont pas recommandées chez les enfants, à cause du risque élevé d’infections oculaires pouvant entraîner une perte irréversible de la vision. Il y a 2 ans, le Belgian Myopia Group, composé d’une vingtaine d’ophtalmologues pédiatriques, a été créé. Ce groupe suit de près les recherches internationales et rédige des lignes directrices pour la prise en charge de la myopie.
Un conseil aux jeunes parents ?
Laissez vos enfants jouer dehors et limitez autant que possible l’utilisation des écrans. Les enfants copient le comportement de leurs parents en matière de smartphone, alors montrez l’exemple. À l’école aussi, nous recommandons des moments de jeux et de sport à l’extérieur, sans smartphones ni tablettes. Bien sûr, l’utilisation des nouvelles technologies pendant les cours est difficile à éviter. Mais si l’on y ajoute suffisamment de temps pour regarder au loin et passer du temps à l’extérieur, il est possible de ralentir l’épidémie.