Les sens compensatoires : le toucher

On prête souvent une perception accrue des autres sens (ouïe, odorat, goût et toucher) aux personnes aveugles et malvoyantes. En effet, le cerveau est capable d’améliorer ces autres sens pour compenser l’absence d’informations visuelles.

Des études scientifiques ont montré une sensibilité accrue des autres sens chez les personnes aveugles et malvoyantes. Cette nouvelle série sur la compensation sensorielle dans les activités de loisirs fait le point, sens par sens. Commençons par le toucher.

Prédominance visuelle

Les nerfs de notre corps captent et traitent les informations provenant des sens. Lorsque nous percevons quelque chose à l’aide de nos sens, nous l’associons inconsciemment aux savoirs et expériences que nous possédons déjà. Par conséquent, nous lui donnons une signification. L’ouïe et la vue sont des sens à distance, tandis que le toucher, l’odorat et le goût sont des sens à proximité. Pour de nombreuses personnes, la vue est le sens prédominant, le plus important. Parce qu’elle donne une approche globale rapide d’une situation, c’est souvent sur elle que nous comptons le plus. Cette « domination visuelle » n’est pas innée, mais se développe au fil du temps.
Lorsque l’un des sens est endommagé, cela affecte la façon dont une personne se fait une image du monde extérieur. Par exemple, les personnes qui ne voient pas se feront une image d’un objet ou d’un espace d’une manière différente de celle d’une personne voyante. En effet, les personnes aveugles doivent compenser (ou remplacer) le manque d’informations visuelles sur l’environnement, par leurs autres sens.
Comme une grande partie de notre corps nous permet d’acquérir des informations par le toucher, il s’agit d’un sens très important lorsque l’on est privé de la vue. Il est en effet possible de percevoir par le toucher simultanément avec plusieurs parties du corps, par exemple avec les mains et les pieds. À la naissance, le toucher est le sens le plus influent. Comme l’information tactile entre de manière directe, elle reste importante même après la naissance.

Le toucher, crucial pour les personnes déficientes visuelles

Le toucher permet de percevoir de deux manières : cutanée et proprioceptive. Par toucher cutané, on entend la sensibilité tactile, la perception des stimuli par la peau. Cette forme de perception joue un rôle capital dans la distinction des petits points de la lecture en braille. Le sens proprioceptif du toucher relève, lui, des articulations, des tendons et des muscles et fournit des informations sur la position et les mouvements du corps. Ce sens est très important pour les enfants aveugles lorsqu’ils explorent leur environnement. Par exemple, il permet à un enfant de sentir les différences de hauteur des briques ou des objets lorsqu’il joue. De percevoir les distances, les écarts, la position des objets les uns par rapport aux autres et la position de son propre corps. Ainsi, lors de la détection à l’aide de la canne de mobilité, les informations provenant de la pointe de la canne atteignent les muscles de la main, sollicitant à nouveau le toucher proprioceptif qui joue le rôle le plus important.

Il s’agit de sentir la surface (dure ou molle) à l’aide de la canne et de détecter les obstacles. Les vibrations résultant du toucher sont transmises à la main. Tous les utilisateurs de cannes bénéficient d’une bonne transmission des sensations. Chez les enfants voyants, la vision s’impose comme dominante au fil des ans. Pour les enfants aveugles, en revanche, le toucher reste très important.
Notre Service d’accompagnement accorde une attention et un soutien pour les aider à développer le plus possible ce sens, dans leur vie quotidienne. Car il est important dans presque tous les domaines. Citons l’apprentissage de la canne, le braille, les reliefs sur les appareils ménagers ou les claviers, les dalles podotactiles en rue, les jeux adaptés, etc.

L’ergothérapeute Natalie Troonbeeckx nous en dit plus. « J’ai développé une boîte de vacances pour les enfants où j’ai introduit des dessins en relief à colorier. Des dessins sans trop de détails, pour être ressentis au maximum. L’accueil était si positif que nous avons proposé deux livres de coloriage pour adultes et bientôt un livre de coloriage pour enfants, où les dessins seront accompagnés de textes en braille.
Pour colorier correctement, il faut palper les lignes pour définir la zone à colorier. « Cela peut se faire avec des marqueurs olfactifs (marqueurs dont chaque couleur a une odeur différente : citron pour le jaune, fraise pour le rouge, etc.). On peut évidemment utiliser des crayons ou marqueurs ordinaires. Comme le dessin est palpable, ils peuvent aussi imaginer des objets en 2D. Comment dessiner une maison, une voiture ou un arbre. Une image en dit parfois plus long que des mots, même pour une personne aveugle.

Ce n’est pas tout ! Le dessin en relief peut être utilisé à l’école, pour les cartes ou les globes en géographie, pour les figures géométriques, les graphiques et les tableaux en mathématiques. Pour les jeunes enfants, il est important de stimuler leur sens du toucher comme une préparation possible à la lecture du braille.
Nous avons constaté que les enfants et les adultes malvoyants et aveugles apprécient beaucoup le coloriage. Grâce à ces planches de coloriage en relief, nous avons rendu accessible une activité simple. Le coloriage favorise également la socialisation, car les enfants voyants sont souvent très intéressés par ces coloriages en relief amusants ».

Source : Fonds scientifique des sens compensatoires : FanTASTic (2010) Visio, Huizen