Réapprivoiser la voirie
Ils intriguent (parfois) les voyants qui les repèrent : certains aménagements existent sur la voie publique ! Julie Dahlem (thérapeute en psychomotricité) et Flore Nollet (ergothérapeute) enseignent la locomotion à la Ligue Braille et commentent l’enquête.
Comme en 2013, nous avons soumis 3 aides techniques à l’avis de nos sondés, leur demandant si elles sont utiles. En 2013, les feux de signalisation sonores étaient jugés utiles par 73 % des sondés. Ils sont désormais 82,7 % !
Julie : C’est une aide précieuse. L’ennui c’est qu’il y en a peu en Wallonie. Plus à Bruxelles, mais ils sont souvent cassés ou désactivés.
Flore : Il y en a également peu en Flandre. Je travaille avec un bénéficiaire de Louvain qui doit traverser la rue pour aller au fitness. Le feu sonore ne fonctionne plus. Il l’a signalé à la commune qui lui a dit que c’était une compétence régionale. La Région a réclamé un rapport, que la Ligue Braille a envoyé. Cela fait un an, le feu ne fonctionne toujours pas. Finalement, ce monsieur utilise une application qui scanne le feu et énonce sa couleur pour traverser.
Les dalles podotactiles sont jugées utiles par 70,9 % des sondés (contre seulement 55 % en 2013).
Flore : Encore faut-il savoir qu’elles sont là, à quoi correspondent les lignes et les points, qu’elles ne soient pas endommagées, obstruées et qu’elles aillent quelque part. D’où l’intérêt des cours de mobilité et d’orientation. On constate aussi qu’il y a moins de dalles dans les nouveaux aménagements comme les piétonniers. La tendance est aux grands espaces vides « pour tous ». Mais non ! Sans dalle podotactile, c’est compliqué pour les personnes non ou malvoyantes.
Julie : Ces places dépouillées de tout ne sont finalement adaptées qu’aux personnes valides et voyantes.
Les panneaux en braille, on passe de 11 à 28,9 % de sondés qui les trouvent utiles. La proportion a augmenté en 10 ans, mais reste discrète.
Julie : Le braille a tendance à revenir. Mais je trouve qu’il n’est pas encore assez intégré à la vie courante.
La symbolique canne blanche
48,6 % des sondés (dont 75 % des personnes aveugles) se déplacent avec une canne blanche, contre 79 % des personnes aveugles en 2013.
Flore : Accepter d’apprendre à utiliser une canne blanche, c’est un processus qui peut prendre des années. Une canne blanche, c’est symbolique, c’est une grande étape. Il faut 6 mois en moyenne pour apprendre à l’utiliser, selon les objectifs de la personne. Estce qu’elle veut juste aller acheter son pain ou aller partout ? Nous les accompagnons au fil de leurs besoins.
Julie : La canne blanche est à double tranchant. Elle renseigne le handicap visuel et invite les autres à proposer leur aide. Mais certains la refusent parce qu’ils ont peur de devenir des cibles, se faire agresser ou voler. Surtout les femmes. En 10 ans, j’ai eu bien plus d’hommes que de femmes en cours de locomotion.
Le sentiment d’insécurité, justement !
« Vous sentez-vous en sécurité sur la voie publique ? »
C’est non pour 54,8 % des sondés, surtout les femmes et les plus de 55 ans.
Flore : L’insécurité englobe beaucoup de choses. Tout ce qui perturbe un trajet mémorisé : les travaux, les poubelles qui obstruent les trottoirs, les trottinettes, les klaxons, etc.
Julie : L’insécurité est liée à la peur. Parfois, je démarre le cours de locomotion à l’intérieur, avec notre sonothèque. En utilisant le bruit des voitures qui démarrent, des chiens qui aboient, etc. On ne réalise pas comme ça peut angoisser et participer au sentiment d’insécurité.