Transport en commun, le plébiscite
Comme en 2013, le premier mode de déplacement des personnes aveugles et malvoyantes sont les transports en commun : 73,2 % des sondés les utilisent contre 53 % il y a 10 ans. L’accessibilité, nouveau challenge des opérateurs. Nous les avons sondés.
Mais avant, le bulletin…
- 53 % de nos sondés pensent que l’offre de transports publics rencontre leurs besoins (contre 67 % en 2013). 1 sur 10 est tout à fait satisfait. Bruxelles tire son épingle du jeu avec 63 % de sondés satisfaits. La satisfaction est également supérieure à la moyenne en milieu urbain, dans les provinces de Namur, d’Anvers et du Brabant flamand. En revanche, seuls 11 % des répondants sont satisfaits en province de Luxembourg, 34 % dans le Hainaut.
- 53,7 % des sondés de Flandre prennent les transports en commun. Ils sont 76,8 % à Bruxelles et 22,4 % en Wallonie.
- 58 % de tous nos sondés ne sont pas ou pas du tout satisfaits de la communication à bord.
- 50 % estiment que l’accessibilité des infrastructures est satisfaisante. 5 % sont tout à fait satisfaits.
- Enfin, 64 % sont satisfaits des services d’assistance fournis par les transports publics. C’est la même chose qu’en 2013.
La SNCB
Tommy Zonnekein, responsable de l’accessibilité à la SNCB, explique que l’accessibilité au sein de la compagnie ferroviaire a longtemps été considérée comme une couche à ajouter au service, après coup, pour qu’une personne en situation de handicap puisse également prendre le train. Mais l’accessibilité n’est pas du tout une couche, elle doit faire partie de l’ensemble. Cette prise de conscience n’a vraiment eu lieu que ces dernières années et mon poste a été créé en 2019. Depuis la fin du mois de décembre 2022, nous avons un nouveau contrat de gestion dans lequel cette accessibilité est transversale. Je pense que nous pouvons être un moteur d’inclusion dans la société. Plus grand est le nombre de personnes qui peuvent prendre le train, plus notre société devient inclusive. Nous essayons aussi de coopérer avec les autres opérateurs, mais pour le moment, il n’existe pas d’organe consultatif 12 structurel où échanger sur nos expériences et travailler sur des projets
.
Navilens : 1er projet pilote avec les 4 opérateurs
Dans le cadre d’un projet pilote sur l’app Navilens, (système qui permet aux personnes aveugles ou malvoyantes de s’orienter grâce à des codes QR scannés avec un smartphone), les 4 prestataires de transports publics ont collaboré pour la première fois sur le thème de l’accessibilité. Navilens a été testée dans 3 gares des 3 régions. Comme les avis des utilisateurs étaient très partagés et que la technologie ne s’est pas avérée suffisamment pertinente pour être utilisée immédiatement, il a été décidé de ne pas poursuivre le projet
, confirme Tommy Zonnekein.
Mais cette expérience aura au moins eu le mérite de fédérer les 4 opérateurs, mais aussi les premiers concernés : les personnes aveugles ou malvoyantes qui ont pu tester Navilens.
Insatisfaction concernant les annonces à bord
Ils ne sont pas toujours entendus, mais les messages à bord des trains font partie des missions de nos accompagnateurs de train. L’erreur est humaine, il arrive qu’ils oublient, n’aient pas le temps ou que le matériel soit déficient. Un conducteur de train a tellement de tâches à accomplir, il est parfois confronté à des équipements obsolètes, de sorte que la technologie ne fonctionne pas ou que l’annonce ne passe pas… Dans nos trains modernes ou modernisés, une solution technique annonce automatiquement l’arrêt. Dans nos nouveaux trains M7, le côté de la sortie est également précisé et les boutons de commande des toilettes sont équipés d’annonces vocales. Ce devrait être généralisé, le contrôleur ajoutant de la valeur pour les annonces supplémentaires ou urgentes. Une solution provisoire pourrait être que l’accompagnateur du train fasse une annonce lorsque le côté de la sortie change (dans les petites gares, il est presque toujours à gauche).
L’assistance obtient une bonne note
En quelques années, notre service d’assistance (sur réservation) est passé de 80 à 159 gares, dont une assistance garantie dans 132 stations. Début 2023, nous avons lancé notre nouvelle application SNCB Assist pour faciliter les demandes d’assistance. Les chiffres de satisfaction concernant nos prestations d’assistance sont toutefois supérieurs aux 64 % de l’enquête. D’une certaine manière, j’espère que dans une vingtaine d’années, l’assistance ne sera plus nécessaire et que les gens pourront prendre le train sans réservation. Aujourd’hui, il nous arrive d’envoyer du personnel en voiture dans une gare pour aller fournir une assistance afin que quelqu’un puisse y prendre le train. Il n’est pas possible d’avoir une personne disponible en permanence dans chaque gare pour fournir une assistance. Mais si les gares et les trains sont totalement accessibles à l’avenir, il faudra se poser la question : l’assistance devra-t-elle encore venir du personnel spécialisé, ou tout le monde pourra-t-il la fournir ?
La SNCB est consciente qu’il existe encore de nombreux points à améliorer, mais Tommy nous rappelle, à plusieurs reprises durant l’interview, le contexte complexe dans lequel l’entreprise évolue historiquement. Nous sommes l’une des dernières entreprises organisées au niveau fédéral, notre contexte politique est complètement différent des autres fournisseurs de transport public qui dépendent du niveau régional. Les réglementations relatives à l’accessibilité sont également des questions régionales et diffèrent selon les régions. Cela nous place dans une situation très difficile. Il y a aussi la fragmentation des compétences (les gares, c’est la SNCB (et jusqu’en 2014 même SNCB Holding), l’infrastructure, c’est Infrabel). Avec un âge moyen de 25 ans, notre matériel roulant fait partie des plus anciens d’Europe. Il peut s’écouler 10 ans entre le début de la procédure d’achat et la livraison. Il y a beaucoup de retard à rattraper et les changements que nous décidons aujourd’hui ne seront visibles que dans des années. En outre, par nécessité, la vision de la mobilité du contrat de gestion de 2008 a été maintenue pendant une longue période, où l’accessibilité n’était pas aussi prioritaire qu’aujourd’hui. La société a énormément changé en 15 ans, tout comme les idées et les besoins. Ne soyez pas trop durs : la SNCB est, bien sûr, responsable de l’accessibilité des gares et des trains, mais elle le fait dans le cadre et avec les moyens qui lui sont donnés. On cite volontiers l’exemple des Pays-Bas, qui ont transformé un réseau ferroviaire totalement inaccessible en un réseau presque entièrement accessible en l’espace d’une dizaine d’années. Pour réussir ce tour de force, il faut une vision à long terme et beaucoup de ressources. En tout cas, notre nouveau contrat de gestion est un pas de géant dans la bonne direction. Vous le trouverez sur le site web du SPF Mobilité.
La STIB
La STIB reçoit le meilleur bulletin. Je suis évidemment ravi de découvrir ces chiffres
, commente Christian de Strycker, Accessibility Manager de la STIB ; la Société des Transports Intercommunaux de Bruxelles.
Il y a encore des choses à faire, mais on part de vraiment très loin. Avant, ingénieurs et architectes ne se questionnaient pas du tout sur l’accessibilité des bâtiments ou des véhicules. En 2009, nous consultions une seule personne qui représentait, à elle seule, tous les handicaps. En 2014, la STIB a commencé à travailler avec le CAWaB (Collectif Accessibilité Wallonie-Bruxelles, dont fait partie la Ligue Braille) sur l’inclusion des voyageurs en situation de handicap. Nous avons maintenant un plan stratégique de mise en accessibilité du réseau 2020- 2030 avec trois grands objectifs pour le handicap visuel : les pavés podotactiles dans les stations et sur les quais, l’audio dans tous les véhicules et, enfin, la généralisation à toutes les lignes de tram ou de bus des annonces sonores à l’arrêt ou sur le quai. Un dispositif qui annonce le numéro de la ligne et son terminus et que nous proposons déjà sur certaines lignes.
Autre souhait de l’entreprise, dans la foulée de l’expérience Navilens : la mise en place d’un organisme avec les autres prestataires de transport (SNCB, De Lijn et Le TEC) afin que les mêmes systèmes soient utilisés partout. Les personnes malvoyantes empruntent souvent un itinéraire familier. Toujours le même. Notre défi est de faire en sorte qu’ils puissent se déplacer, à tout moment et sans crainte sur l’ensemble du réseau. » Enfin, relevons la bonne note accordée au service Taxibus de la STIB. 63 % des sondés sont satisfaits. « C’est un défi parce que depuis le plan taxi, nous avons perdu beaucoup de chauffeurs et il est compliqué de répondre à la demande, qui progresse de 30 % chaque année. Cette croissance démontre un besoin de mobilité et nous sommes ravis, mais nous, ce que nous voulons fondamentalement, c’est que le service Taxibus ne soit utilisé que par ceux qui ne peuvent pas du tout prendre les transports en commun. Nous voulons que tous les autres voyagent en toute autonom mie sur notre réseau.
Le TEC
C’est en Wallonie que les transports en commun ont le moins de succès. 22,4 % des sondés du sud du pays les utilisent. Une histoire d’accessibilité et de territoire. Christophe Leurident, membre du comité de direction de l’Opérateur de transport de Wallonie, en charge de la stratégie opérationnelle du groupe TEC, rappelle que plus de la moitié des 32 000 arrêts TEC sont utilisés par moins d’une personne par mois. Les efforts sont donc concentrés sur les arrêts qui sont les plus pertinents à équiper. Le plan stratégique 2024- 2028 comptera 4 axes d’inclusion des voyageurs à besoins spécifiques : l’aménagement des arrêts, le renouvellement du matériel roulant, la communication, notamment digitale, mais aussi dans les espaces TEC et la formation du personnel. Des choses ont déjà été faites : les nouveaux arrêts sont désormais équipés de dalles podotactiles. Nous travaillons à la refonte du site internet et de l’application, pour tous les utilisateurs, qu’ils soient en situation de handicap ou non. Nous savons, par exemple, qu’il y a des problèmes de contraste et de couleurs qu’il faudra résoudre.
D’autres choses sont prévues plus rapidement : les annonces à bord et aux arrêts devraient être opérationnelles d’ici fin 2024.
Avant, ces aménagements étaient vus comme des contraintes dont on se passait. Aujourd’hui, on les voit plutôt comme des opportunités d’améliorer le service pour tout le monde. Au vu du vieillissement de la population par exemple. La vision a changé et c’est une évolution très nette en seulement 10 ans.